Ça me rappelle l’histoire de deux professeurs de l’Université de la Colombie-Britannique. Après avoir atteint le sommet du mont Nyblock, ils avancent jusqu’au télescope qui donne sur le glacier. Tout naturellement, c’est l’aîné qui met son oeil à la lunette en premier. Aussitôt, il est séduit par l’exquise beauté de la vue. À son tour, l’autre s’empresse de regarder mais à peine a-t-il fait le foyer qu’il lâche soudainement un grand cri et tombe raide mort. Encore à ce jour, l’ami de cet homme décédé d’une façon si insolite se demande tout naturellement ce que l’autre a vu exactement, car il est persuadé que ce n’est certes pas ce qu’il a lui-même observé.
La forêt est tout au centre de « tout naturellement » – tantôt effrayante, tantôt refuge, toujours mystérieuse, source de multiples associations et mythes – mythes que nous vivons et qui nous habitent – notre histoire collective.
Mais par moment, des éclats inattendus nous prennent par surprise – nous sommes alors confrontés au présent. C’est un film automnal, crépusculaire, un film du troisième âge. Tout comme la forêt est un espace de transition, la vieillesse, elle, est un temps de transition.
« tout naturellement » prolonge mon examen des opposés tels qu’ils se manifestent dialectiquement et sont rattachés à notre expérience de l’existence : la culture / la nature, l’histoire vécue / la grande Histoire, l’appartenance / la destruction, le collectif / l’individuel, l’innocence / le danger, la jeunesse / la vieillesse, la vie / la mort.
Selon Emmanuel Levinas, la rencontre de l’autre, en face-à-face, est un phénomène privilégié où, à la fois, proximité et distance sont vivement ressenties . « Le visage engage un discours primordial dont les premiers mots appellent l’obligation... le visage parle... ses premiers mots sont ‘tu ne tueras point’. C’est un ordre.»